La forêt périurbaine dans tous ses états

Un colloque international a réuni à Grenoble du 13 au 16 mai des chercheurs (Grenoble 1, UPMF, CNRS, Paris X, Tours, Limoges, Alger, Bucarest, Moscou) des forestiers (ONF), des gestionnaires et techniciens d’espaces verts (Services de Grenoble, ADAYG, SIPAVAG). Il vient tout juste de se terminer. Le thème: “Perception des forêts périurbaines et aménagement durable”. L’objectif de ce colloque, organisé par l’UMR 5194, PACTE/Territoires, était d’approfondir quelques interrogations essentielles dans un contexte où la forêt périurbaine, dont les atouts sont multiples (territoire récréatif entre l’urbain et le rural, piège à carbone, soupape psychique, protection contre les risques naturels, rempart à la pression foncière, source de revenus…) s’intègre dans les stratégies des villes qui les possèdent. De quelles forêts périurbaines a t-on besoin? Quels modèles de gestion? Quels moyens de protection? Quelle perception des usagers? Quelle perception des décideurs?

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Grenoble: au bout de la rue, la Bastille et ses cèdres, ses ifs, ses chênes verts, ses érables et frênes, et ses cigales

Si la pratique du raid à pied sur plusieurs jours, sac au dos, montre des signes manifestes de désaffection (la vente de topo-guides, par exemple, serait en très nette baisse), le bol d’air à la journée et à proximité, connaît un succès indéniable auprès du grand public. Grenoble dont la haute technologie et la montagne sont souvent utilisées comme arguments de marketing, possède avec ses espaces boisés périurbains un atout qui, aux dires de plusieurs participants, pourraient être davantage mis en valeur. Sillon38 était présent mercredi 14 mai au Musée dauphinois, où le thème à l’ordre du jour était “Les forêts urbaines de Grenoble”.

Frédéric Maréchal, technicien au service des Espaces Verts de Grenoble, a présenté le site de la Bastille, qui accueille environ 400 000 personnes /an (soit l’équivalent de la population de l’agglomération), son climat méditerranéen particulier (on peut y entendre des cigales), mais également les aspects négatifs de cette fréquentation de masse (incivilités, tags, bris de garde-corps) et le coût de la maintenance de ce site fortifié.

Daniel Bessiron, qui dirige le SIPAVAG, syndicat mixte qui regroupe 42 communes et gère 600 km de sentiers, a souligné la richesse de l’écrin de verdure qui entouire la capitale des Alpes:”Quelle que soit la direction choisie, à moins d’un quart d’heure du centre-ville, les amoureux de randonnée se retrouvent en pleine nature: Petite Beauce du plateau de Champagnier, pentes méditerranéennes de la Chartreuse, forêts fraîches et alpines du Vercors, de Belledonne, du Taillefer, montagnettes de la plaine de Reymure”.

Jean-Pierre Charre note, pour sa part, qu'”en matière de développement de politiques publiques, après un retard manifeste, le rattrapage est rapide. Le dialogue s’instaure entre les communes urbaines et rurbaines, des organismes comme le Service des Espaces Verts de Grenoble, l’ADAYG, le SIPAVAG, l’ONF, oeuvrent à leurs niveaux d’échelle respectifs”.

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L’un des enjeux de ces politiques est que les communes rurales, victimes de la déprise agricole, puissent bénéficier du flux touristique généré par l’aménagement des franges vertes de l’agglomération.

Cette spécificité grenobloise, qui donne à chacun la possibilité de sortir de la cuvette et se retrouver rapidement au balcon, sur les pentes du Rachais, de Chamechaude, ou à la tourbière du Peuil, est loin d’être la règle. Sahraoui Bensaïd, chercheur à l’Université des sciences et de la technologie d’Alger, a souligné combien la ville d’Alger manquait d’espaces naturels et de forêts périurbaines. “La forêt de Bainem, attenante à la ville d’Alger a été totalement coupée sous prétexte sécuritaire, celle du Parc zoologique a été amputée d’une partie de sa surface. Et l’on décide au niveau du gouvernement, de créer un nouveau Parc (ou forêt périurbaine) du néant, sur des terres agricoles, et où les plants seront importés de l’étranger à coup de devises”.

La situation n’est guère meilleure à Bucarest où, comme l’a rapporté Maria Patroescu, la crainte est d’assister, sous les assauts de la pression foncière et l’absence de considérations environnementales des acteurs locaux, “à la pulvérisation des superficies forestières et à leur disparition à moyen terme”.

Ce qui démontre que, selon les latitudes, les politiques publiques relatives aux espaces boisés périurbains varient énormément: quand les uns gèrent les conflits d’usages et les incivilités, les autres assistent à une déforestation plus ou moins programmée.

Gilbert

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