« On a envie que cette ferme continue à vivre »

Pour Jean-Louis Gervais, agriculteur depuis 35 ans à Saint-Jean-de-Vaulx (Isère), une question que l’on a tendance à toujours retarder, a soudain pris de l’importance, il y a un ou deux ans. Il en a fait part à son épouse, Brigitte : « A qui on transmet ? Est-ce qu’on transmet à nos filles ?  Et si on part, on va où ?»

A l’occasion de la visite du CDRA Alpes sud Isère sur son exploitation, à Font-Régnier, Jean-Louis Gervais a retracé brièvement son histoire : « Je me suis installé ici en juillet 1974 avec Brigitte. Moi, je suis Tourangeau, elle Parisienne. J’ai choisi d’élever des moutons. Pour éviter la traite. J’ai commencé avec 50 agnelles. La première année, le plus dur, c’est l’hiver. Six mois d’hiver, ça surprend quand on vient de Touraine ! »

bergerie GervaisL’intégration au pays matheysin, Jean-Louis Gervais n’en dit rien. On suppose donc que ça s’est bien passé. Il faut croire que les froidures hivernales sont plus taraudantes que la rudesse des gens du plateau. Après tout, les Saint-Jarraux sont peut-être différents.

L’heure de la transmission est donc arrivée. Dans l’héritage : une ferme et des bâtiments agricoles, que l’agriculteur-autoconstructeur, a patiemment rénovés et aménagés, 31 ha de terres, un troupeau de moutons et un de chèvres. Tout cela doit changer de mains. Mais les enfants (au nombre de 4) en voudront-ils ?

« On a envie que cette ferme continue à vivre », dit-il.

Mais comment ça se passe, concrètement ?

Réunion Gervais
Mercredi 28 octobre à Font Régnier: de gauche à droite Gérard Leras, Raphaëlle Gervais, Catherine Dulong, Jean-Louis Gervais, Gilles Strappazzon

C’est là, précisément, que l’ARDEAR  ( association régionale de développement de l’emploi agricole et rural) , avec le soutien du CDRA, joue son rôle à savoir accompagner des particuliers, des cédants, des communes, qui ont le projet de créer ou transmettre une activité en milieu rural. Cela ne s’improvise pas. Ça se prépare, ça prend parfois du temps, même si la transmission se fait dans le cadre familial.

Cet accompagnement, gratuit, se traduit par des sessions de formation, d’information, l’accueil individuel et collectif, des journées thématiques, des soirées de sensibilisation. Catherine Dulong, qui conduit ce travail de médiation sur l’ensemble Alpes Sud Isère, a permis, sans aucun doute, en fonction des attentes et des aspirations de chacun, de définir un projet de transmission de l’exploitation Gervais :

« Ça nous a aidés à mûrir le projet, souligne Jean-Louis Gervais. Nous, on se posait des tas de questions. En tout cas, on pense avec Brigitte  qu’on a quelque chose à transmettre. Mais comment ? Catherine nous a aidés à répondre à nos interrogations  sur la transmission. Nous, on est prêts à accompagner les jeunes quelque temps s’ils le veulent. ».

« Dans le fond du grenier, il y a de la tripe ! »

Raphaelle Gervais_2
Raphaëlle Gervais:"Je ne veux pas être gardienne de musée!"

C’est Raphaëlle Gervais, 23 ans, actuellement salariée d’une association à Valence, qui va prendre les rênes de l’exploitation avec sa sœur Domitille et une amie, Jeanne Capon, qui s’est portée candidate pour l’élevage. Mais ce choix , véritable projet de vie, a fait l’objet d’un long questionnement, d’une réflexion individuelle puis d’une concertation, notamment avec l’ARDEAR. Le projet a mûri. Raphaëlle a fait le point et exposé ses aspirations :

« On se trouve face à un héritage, un patrimoine. Pas n’importe lequel. Dans le fond du grenier, il y a de la tripe ! Qu’est-ce qu’on en fait ? Quelle sera la place des conjoints ? Des tonnes de questions s’enchaînaient et, pour une fille de 20 ans, ce n’est pas facile d’y répondre. L’accompagnement de l’ARDEAR a été indispensable. Il y a trop d’affectif pour que cela se règle en famille. On a réussi à mettre à plat tout ça ! »

Raphaëlle a finalement pris sa décision. Le stage d’un mois passé à la ferme de Sainte-Luce-en-Beaumont,  n’y est peut-être pas étranger : « J’ai mesuré l’importance du milieu naturel, explique t-elle. Il fallait que je me réapproprie l’agriculture ».

Elle le fera donc à sa façon, et elle s’en explique : « Je ne suis pas là pour être gardienne de musée, pour veiller sur un patrimoine. J’ai une boule de pâte à modeler, à moi d’en faire ce que je veux ! »

En l’occurrence, cette boule à modeler est, en partie, de la pâte à pain. Raphëlle s’est découvert une vocation de boulangère artisanale. Bio, s’entend. Le choix est clair, pour le pain comme pour le reste. Les participants à cette visite (1) ont pu apprécier le pain sorti de sa première fournée.

four villaret
Le four banal du Villaret: Raphaëlle souhaite en faire un lieu d'animation autour du pain

C’est une vision originale de l’agriculture que défend Raphaëlle Gervais, une agriculture ouverte sur l’extérieur, participative, communicative, reliée d’une façon ou d’une autre à l’environnement socio-culturel : « Avec cette activité pain, j’espère contribuer à créer du lien social avec le village. Mon projet est d’aller cuire du pain une fois par semaine dans le four banal du hameau du Villaret ».

La pédagogie fait également partie du programme : « On envisage aussi d’accueillir des enfants, des familles. Une ferme, ça peut aussi contribuer à la vitalité des territoires ruraux. Avec l’association Ospoda, qui agit dans ce sens, on veut faire partager sur le net les temps forts de la ferme. On a retenu cinq temps au fil des saisons : la pomme de terre, l’agnelage, la tonte, la montée en alpage, le blé et le pain. Ca s’appellera les Chroniques paysannes».

Ce programme, innovant et diversifié en est à sa phase test. Il faut vérifier la viabilité économique du projet, établir un prévisionnel, mettre à l’épreuve les différents acteurs, etc, etc.

Sillon38 souhaite bon courage à Raphaëlle, Domitille et Jeanne et à Brigitte et Jean-Louis une retraite paisible dans un lieu où l’hiver est moins rude.

Réunions ARDEAR et ADASEA: sur l’agenda

-Session de formation « Passer de l’envie à la construction du projet » pour les porteurs de projet, 4 modules de 2 jours les 6-7 et 19-20 novembre à Vizille, Clelles, en Matheysine et à Bourg-d’Oisans

-Session de formation « Construire son projet de transmission agricole », 4 jours les 9, 17 et 30 novembre et 14 décembre.

-Table ronde ADASEA: «Les circuits courts : des opportunités pour réussir son installation en phase avec le territoire », jeudi 10 décembre de 9h à 16h, mairie de Vizille.

Renseignements ARDEAR : 04 76 78 87 39 ou CDRA : 04 76 78 86 38 04 76 78 87 37 cdra@alpes-sud-isere

Renseignements ADASEA: 04 76 20 67 70 marion.canaud@adasea.net

……………………………………………………………………………………

(1) Participaient entre autres à cette visite Gilles Strappazzon, chef de projet CDRA Alpes Sud-Isère, Gérard Leras, président de la Commission Agriculture et ressources naturelles du CDRA, Patrick Régnier-Poète, maire de Saint-Jean-de-Vaulx, Serge Gros, maire de Vizille.

Gilbert

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Revenir en haut de page