L’agriculteur doit échapper à la souffrance au travail

La charrue a fait son temps. La souffrance demeure dans le métier d'agriculteur.
La charrue a fait son temps. La souffrance demeure dans le métier d'agriculteur.

Parmi les quatre ateliers organisés dans le cadre de la Journée Installation qui s’est déroulée jeudi au lycée agricole de La Côte-Saint-André (voir notre article), sillon 38 a assisté à l’exposé de Véronique Bouchard, l’une des rares spécialistes de psychologie du travail appliquée à l’agriculture. Son exposé s’intitulait « Booster son efficacité grâce à de bonnes conditions de travail ».

Fille d’agriculteurs, conseillère agricole pendant 20 ans (Chambre d’agriculture de l’Ain), formatrice en Economie, titulaire d’un Master de psychologie du travail (CNAM de Lyon), Véronique Bouchard connaît parfaitement les grandeurs et les servitudes du métier d’agriculteur (terme qu’elle préfère largement à tous les autres).

Devant une salle bien remplie d’élèves du lycée agricole, elle a rappelé quelques grands principes à respecter si l’on veut être bien dans sa peau d’agriculteur tout en étant efficace.

C’est dans cette optique qu’elle aborde la psychologie du travail, absente jusqu’alors de toute réflexion sur le monde agricole. Pour être précis, la psychologie du travail est l’étude des facteurs individuels, sociaux et culturels qui influencent les conduites au travail. Aborder le métier de l’agriculteur en termes de conditions de travail, d’ergonomie, de motivations, de rythmes de travail, de relations avec autrui (employeur, supérieurs, collègues, etc.), d’adaptation au changement, lui semble indispensable.

Pourquoi ? Pour une raison majeure, à savoir que ce métier exige beaucoup de celui qui l’exerce, que la profession est touchée par la souffrance au travail:

« En 2010, un agriculteur nourrit environ cent personnes. La productivité du travail a progressé deux fois plus vite que dans les autres secteurs de l’économie. C’est dire que l’agriculture est efficace. Mais cette productivité a un coût énorme : accroissement du stress, troubles du sommeil, troubles musculo-squelettiques, augmentation des addictions (alcool, surtout), accidents, suicides », explique Véronique Bouchard.

Elle cite à l’appui une enquête de la MSA 07 et 42 indiquant que 5% des agriculteurs de ces deux départements son en situation de stress intense ou de dépression sans en avoir conscience, sans recourir à des soins.

C’est un aspect tenu dans l’ombre que Véronique Bouchard met en lumière : « C’est la catégorie socio-professionnelle la plus touchée par le suicide. Ajoutons que l’usage régulier de produits organo-chlorés (pesticides) entraîne des risques accrus de maladies chez les agriculteurs ».

Métier à risques, donc. Le tableau dressé par Mme Bouchard n’est pas vraiment de nature à susciter des vocations. Mais pour elle, il est impératif que ces jeunes en formation n’ignorent rien de cela. C’est une façon de faire de la prévention. Car le métier d’agriculteur est attractif et valorisant pour peu que l’on respecte quelques grands principes qu’elle rappelle en se faisant souffler les réponses par les élèves eux-mêmes :

–       veiller à avoir du plaisir dans son travail

–       travailler en collectif

–       confronter les méthodes

–       ne pas jouer la concurrence à tout prix entre agriculteurs, entre filières

–       donner du sens à son travail

–       chercher de la reconnaissance

–       ne pas s’installer dans les pantoufles de son père

–       organiser le non-travail

–       inventer un nouveau contrat social

–       veiller à sa santé

Le métier évolue vite et celui qu’exerceront ces jeunes générations  ressemble de moins en moins à celui des précédentes. S’adapter aux changements fait aussi partie des défis du jeune agriculteur qui –nous l’avons entendu dans la salle- souhaite tirer de son travail un revenu qui lui permette de vivre décemment tout en préservant sa santé. Comme le conseille Mme Bouchard, il faut être inventif , savoir faire équipe, instiller en permanence de la psychologie, du dialogue, et du sens. Pour résumer la pensée de Véronique Bouchard, on n’est jamais aussi efficace que lorsque l’on est bien dans sa peau.

Gilbert

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